ALAN LOMAX "Le pays où naquit le blues"
En pleine Dépression et New Deal, Alan Lomax et son père John sont missionnés par la Bibliothèque du Congrès de Washington pour enregistrer le folklore du Sud des états-Unis. Ils transforment l’arrière de leur voiture afin d’y loger un matériel primitif de gravure de cylindres, et s’arrêtent dans les rues, les bouges, les exploitations agricoles, les prisons et les églises. Ces innombrables collectages ont été l’occasion de rencontres et de réflexions, qui sont rassemblées dans ces mémoires, véritable panorama des relations sociales et raciales dans le Sud des années 1940 et 1950, où un Blanc ne pouvait être «l’ami des nègres».
Issu de la petite bourgeoisie texane, Alan Lomax doit jongler avec les lois raciales, écrites ou usuelles, face à la ségrégation à double tranchant : interpellé par la police pour être entré dans le ghetto noir ou sur des terres sans autorisation, il provoque en même temps l’incrédulité des descendants d’esclaves devant l’intérêt qu’il porte à leur musique.
Lomax rapporte les aventures picaresques de ceux qui jouent et chantent cette «musique du Diable» (pour le blues) ou «de Dieu» (pour les spirituals et le gospel). Leadbelly, Son House, Muddy Waters et des dizaines d’autres musiciens s’assoient devant ses micros. Dès les années 1950, grâce à ses enregistrements, le blues est au centre d’influence de la musique populaire occidentale : Elvis Presley mélange la country des «petits-Blancs» avec le rythme syncopé du rythm’n’blues ; Bob Dylan s’inscrit dans la tradition des folklores nord-américains ; plus tard les Rolling Stones reprennent nombre de morceaux de leurs aînés bluesmen ; jusqu’à nos jours, avec la soul, le funk et le rap, ou encore le succès planétaire de Moby recyclant les standards du blues (Play, 1999).
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